Alors qu’en 2006 la victoire imprévue et regrettable d’un groupe de monstres finlandais, interprétant du hard rock avait crée un séisme dans le petit monde de l’Eurovision, on attendait pour 2007 un retour aux sources avec les bonnes prestations des pays occidentaux, loin s’en faut, la désillusion fût la plus totale avec la victoire de la représentante Serbe, Marija Serifovic. Premier constat de cet Eurovision 2007 : aucun pays d’Europe occidentale ne figure dans le TOP 10 final, mieux encore le podium est composé d’une jeune Serbe auteur d’une ballade lyrique, d’un drag-queen ukrainien qui croyait pouvoir gagner en immitant la tenue extravagante de Lordi et d’un girls band russe qui rappelle étrangement le duo TATU ; autant dire que les illustres fondateurs du concours Eurovision ne pensèrent pas que leur projet atteindrait un tel niveau de décadence cinquante ans après sa création. Est-il peut être utile de rappeler que les pays fondateurs étaient la France, l'Allemagne de l'Ouest, l'Italie, les Pays-Bas, le Luxembourg, la Belgique et la Suisse ? Avec un classement final aussi tourné vers l’Europe de l’Est et même de l’«Extrême-Est», peut-on toujours parler d’Eurovision ? Serait-il peut-être plus judicieux de parler de concours de la chanson populaire des Soviets et Balkans ? En Europe occidentale, le concours Eurovision ne déplace plus les foules, le Royaume-Uni ne s’est plus imposé depuis 10 ans, la France cherche une seconde victoire depuis 30 ans tandis que l’Italie, pays connu pour être musical, s’est purement et simplement retirée de l’Eurovision en 1997. Les Occidentaux ne sont plus du tout motivés pour envoyer des SMS payants et supporter des chansonettes à domination folklorique. Mais tous les immigrés vivants à l’Ouest s’en donnent à coeur joie pour soutenir leur ancienne patrie, ainsi la colonie turque d’Allemagne, France, Belgique et Grande-Bretagne vote massivement pour la Turquie en lui offrant à chaque fois les 12 points, les Serbes établis en Autriche et en Suisse font de même en faveur de la Serbie.

Vote géographique

Dans ce contexte, ce sont les pays de l’Est qui viennent se redorer leur honneur en se soutenant mutuellement, tu votes pour moi, je vote pour toi, ce qui fait que avant même d’avoir entendu la prestation du pays frontalier, on lui réserve une place de choix dans le classement Sur les 42 pays votants, 8 d’entre eux comprennent ou utilisent la langue serbe au quotidien, de même la langue russe est représentée par 9 pays votants. Si on y rajoute des différences socio-culturelles entre un Turque d’Ankara et un Islandais de Reykjavik qui n’ont forcément pas les mêmes valeurs, comment voulez-vous que dans ces conditions le résultat final soit basé uniquement et objectivement sur la qualité artistique de chaque interprétation ?

La France mal-aimée

La France qui ces dernières années avait habitué l’Europe à présenter des candidats fantômes à l’Eurovision, a misé cette fois-ci sur l’audace et le punch des Fatals Picards avec leur gentille prestation intitulée « L’amour à la française », peine perdue, les joyeux représentants tricolores finiront une fois de plus dans les profondeurs du classement final, devançant avant derniers les Britanniques uniquement grâce au classement alphabétique. Mais mis à part la forte solidarité des pays de l’ancien bloc soviétique, le problème qui se pose dans le cas français est qu’il n’est pas envisageable d’espérer un bon classement sans même disposer du soutien des voisins et pays frontaliers ? La France mal aimée ? La France mouton noir de l’Europe ? Zéro pointé de la part l’Espagne, Double Zéro de la part de l’Allemagne et Triple Zéro Suisse et pour couronner le tout pas un seul petit point de la part de nos amis Wallons : tous les points français ayant été attribués par l’Albanie, l’Andorre, l’Arménie, l’Estonie et la Lithuanie.

Réformer les règles

Certes l’anglais est la langue universelle, aussi bien dans le monde des affaires que dans celui de la musique pop mais dans un concours international comme l’Eurovision, la règle numéro 1 devrait être que chaque participant interprète dans sa langue officielle une chanson composée et écrite par lui-même ou par ses compatriotes. Autrement voir les Croates chanter en anglais, c’est comme si l’équipe d’Arménie engageait Beckham pour la Coupe du Monde. De même, il ne serait pas inutile d’empêcher les pays participants d’employer des mercenaires chanteurs car voir la Pologne (qui ne s’est pas qualifiée en finale) représentée par un ressortissant sud africain et une vocaliste tchèque aussi mignonne soit-elle, c’est un peu faire de ce concours une joyeuse foire, c’est à se demander si ses représentants étaient en mesure d’aligner deux mots dans la langue de Chopin ? Si seulement toutes ces conditions étaient rétablies, on pourrait peut être ainsi retrouver un peu des valeurs originelles du concours de la chanson Eurovision, tel qu’il a été conçu en 1956 et les votes pour un pays aurait un certain sens. Une fois les émotions artistiques passées, du point de vue géopolitique, il ne serait pas inutile de réfléchir à cette occasion si avec la course effreinée vers l’intégration et l’élargissement de l’Europe, nous n’allons pas nous retrouver un jour avec la même structure de votes au sein d’une Union européenne qui privera ses membres fondateurs de tout poids significatif et d’influence réelle au profit de mini républiques de l’Est qui resteront toujours dépendantes et fidèles à leurs racines.

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